Découvrez mieux ici le maître HOKUSAI (ci-dessus : La Grande Vague)
crédit photo : Sipa/3LH-fine
Figure majeure de l’anthropologie française, Claude LEVI-STRAUSS est notamment l’auteur des Structures élémentaires de la parenté (1949), de Tristes tropiques (1955) et de La Pensée sauvage (1962), parmi les ouvrages les plus connus.
Deux ouvrages posthumes : L’Anthropologie face aux problèmes du monde moderne et L’Autre Face de la lune (Seuil) seront tout prochainement en librairie.
Source : Le Nouvel Observateur n°2420 :
"Claude LEVI-STRAUSS n’a pas 6 ans quand naît sa passion pour l’Empire du Soleil-Levant, à travers la collection d’estampes de son père artiste peintre. Une civilisation réussissant à concilier avant-garde technique et pensée animiste avait tout pour conserver l’intérêt du grand anthropologue. Fasciné par ses mythes archaïques et par ses livres à la mélancolie poignante, comme le Gengi Monogatari ( annonçant selon lui avec sept siècles d’avance La Nouvelle Héloïse ou Chateaubriand), c’est un Lévi-Strauss éperdu d’admiration et quasi enfantin que l’on découvre ici [...]". Aude LANCELIN
Descartes et l’âme japonaise
(extrait de L’Autre Face de la lune)
« Il n’est certes pas besoin d’être anthropologue pour remarquer que le menuisier japonais se sert de la scie et du rabot à l’envers de ses collègues occidentaux : il scie et rabote vers soi, non en poussant l’outil vers l’extérieur.
Le fait avait déjà frappé Basil Hall Chamberlain à la fin du XIXè siècle. Ce professeur à l’université de Tokyo, observateur sagace de la vie et de la culture japonaises, était un éminent philologue. Dans son célèbre livre "Things Japanese", il enregistre le fait, en même temps que plusieurs autres, sous la rubrique Topsyturvidom, que je traduis approximativement par « où tout est sens dessus dessous », comme une bizarrerie à laquelle il n’attache pas de signification particulière. En somme, il ne va pas plus loin qu’Hérodote remarquant, il y a plus de 24 siècles, que par rapport à ses compatriotes grecs les anciens Egyptiens faisaient tout à l’envers.
De leur côté, des spécialistes de la langue japonaise ont noté comme une curiosité qu’un Japonais qui s’absente pour un court moment (mettre une lettre à la poste, acheter le journal ou un paquet de cigarettes) dira volontiers quelque chose comme « Itte mairimàsu », à quoi on lui répond « Itte irasshai » [pas de traduction proposée]. L’accent n’est donc pas mis, comme dans les langues occidentales en pareille circonstance, sur la décision de sortir, mais sur l’intention d’un prochain retour.
De même, un spécialiste de l’ancienne littérature japonaise soulignera que le voyage y coest ressenti comme une douloureuse expérience d’arrachement, et reste hanté par l’obsession du retour au pays. De même enfin, à un niveau plus prosaïque, la cuisinière japonaise, paraît-il, ne dit pas comme en Europe « plonger dans la friture » mais « soulever » ou « élever » (ageru) hors de la friture…
L’anthropologue se refusera à considérer ces menus faits comme des variables indépendantes, des particularités isolées. Il sera au contraire frappé par ce qu’ils ont de commun. Dans des domaines différents et sous des modalités différentes, il s’agit toujours de ramener vers soi, ou de se ramener soi-même vers l’ntérieur.
Au lieu de poser au départ le "moi" comme une entité autonome et déjà constituée, tout se passe comme si le Japonais construisait son "moi" en partant du dehors. Le "moi" japonais apparaît ainsi non comme une donnée primitive, mais comme un résultat vers lequel on tend sans certitude de l’atteindre. Rien d’étonnant si, comme on me l’affirme, la fameuse proposition de Descartes : « Je pense, donc je suis » est rigoureusement intraduisible en japonais !
Dans des domaines aussi variés que la langue parlée, les techniques artisanales, les préparations culinaires, l’histoire des idées […], une différence, ou, plus exactement, un système de différences invariantes se manifeste à un niveau profond entre ce que, pour simplifier, j’appellerai l’âme occidentale et l’âme japonaise, qu’on peut résumer par l’opposition entre un mouvement centripète et un mouvement centrifuge. Ce schéma servira à l’anthropologue d’hypothèse de travail pour essayer de mieux comprendre le rapport entre les deux civilisations. »
Cl. LEVI-STRAUSS (membre de l'Ordre du Soleil Levant - Etoile d'or et d'argent)
Source : Le Nouvel Observateur, n° 2420
Interessant bien sur. Levi-Strauss aimait beaucoup le shintoïsme des Japonais. Je ne sais rien du shintoisme... ou si peu.
RépondreSupprimerOui nous evoquons le Japon souvent dans la journee pour une raison ou une autre.
Ce qui est frappant, c'est de voir combien les Japonais sont attachés à leurs traditions, tout en étant à la pointe de la modernité dans les sciences et les techniques. A l'inverse, en occident, la modernité s'accompagne presque toujours du rejet des valeurs traditionnelles.
RépondreSupprimerBonjour Giulia !
RépondreSupprimerMalheureusement pas le temps de tous lire ce matin, je repasserai peut-être demain et plutôt certainement samedi. Boulot oblige.
Il me semble que ta passion pour le Japon est née avant le séisme puisque l'an dernier tu me disais adorer le cinéma japonais !
RépondreSupprimerTu ne viens pas écouter Atiq Rahimi ce soir à Zola ?
Bon d'accord il n'est pas japonais, mais tu as vu le regard qu'il a ? A faire fondre la banquise :-))
RépondreSupprimerBien sûr, je m'intéresse au Japon depuis quelque temps déjà (d'ailleurs je ferai un spot à ce sujet). Mais c'est vrai qu'avec ce qui s'est passé, mon intérêt a redoublé.
RépondreSupprimerPour Zola, c'est non car on est invités à dîner par nos voisins.
Cela devait être super d'habiter près de Venise.
RépondreSupprimerHokusaï est un graveur extraordinaire et célèbre. Moi aussi je suis graveur mais pas aussi connue que lui ;)
Bonjour, Giulia!
RépondreSupprimerSo nice to hear from you. This is an interesting post, although I do not know much of Levi-Strauss.
I've been scrolling down through your posts, and can sense your great sorrow with regard to the terrible catastrophe in Japan...which, unfortunately, is far from over.
It was nice also to see the funny post noting that not all cats are gray...
And the wonderful photos of that very special (and colorful) place you visited - a calm and peaceful place!
Merci!
Je ne sais pas pourquoi, mais bien avant les derniers évènements, c'est un pays qui ne me tente pas beaucoup, à mon Chéri non plus d'ailleurs. Va savoir pourquoi.
RépondreSupprimerL'ami de ma nièce est fan. Il y va souvent, seul, car ma nièce a peur de l'avion.
Very interesting and informative, thanks Julia.
RépondreSupprimerP.S. Sciarada is well, is out because of work commitments, unfortunately, is located in an area where the Internet got crazy